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 Jaccottet par Jean- Pierre Richard

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AuteurMessage
Thomas M
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Thomas M


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MessageSujet: Jaccottet par Jean- Pierre Richard   Jaccottet par Jean- Pierre Richard EmptyLun 21 Jan - 1:41

Excusez s'il ya des fautes d'accords ou des conneriesdu genre, jme suis relu mais j'ai pu en laisser passer
Petite précision : afin d'éviter toute confusion, les citations précédées d'un astérisque sont celles de vers du poète, les autres proviennent du texte de Jipi

Jaccottet

La conscience poétique doit s’élever par delà un univers d’objets lourds pour aller vers « une vérité évaporée de l’être ». Mais contrairement à Rimbaud et au désordre comme phase préparatoire, l’élévation chez Jaccottet se fait « sans déchirures », que l’auteur résume dans ces paroles «* ne rien rompre » mais «* changer imperceptiblement pour finalement se confondre avec l’air ». On assiste donc à un double mouvement qui relève à la fois d’une élévation de la conscience au dessus de la terre alors que celle-ci doit devenir plus vaporeuse, plus légère pour révéler sa vérité.
« Pleinement aérien l’objet devient lumière » qui reste cependant insaisissable. Mais grâce à cette métamorphose la luminosité devient infinie, homogène et ne connaît ni véritable foyer, ni véritable frontière. Mais cette homogénéité est néanmoins toujours en mouvement,t, l’air que Jaccottet est celui brassé par le vent «* cette animation et cette vigueur de l’air », comme il le dit lui-même.
Cette lumière est à la fois source, but et terme de la quête poétique qui vise à ouvrir une porte sur l’invisible en allant donc, par la transformation énoncée ci-dessus, au-delà véritablement du monde, participe donc d’une véritable quête mystique.
Mais cette quête est parsemée de difficultés et de dangers. Tout d’abord celle de « l’immobilisation de la limpidité ». On a vu en effet que l’air jaccottien était en mouvement constant. Symboliquement cet arrêt du mouvement de la lumière «* qui s’enténèbre de poussière en peu de jour », en cassant la progression du poète et en assombrissant alors le ciel, marque peut-être l’incapacité du poète à comprendre de ce dont il retourne véritablement, la difficulté éprouvée lors de toute aventure spirituelle. J-P Richard trouve dans ce mouvement quelque chose de « maléfique », un « maelström aérien » qui nous reprécipite vers le bas, après que nous avons cru pouvoir facilement « métamorphoser [l’objet] en transparence ».
On voit alors une double peur planer sur l’art de Jaccottet : à la fois celle de l’écroulement du ciel mais également la perspective d’un ciel éternellement fuyant et donc inaccessible. La solution dans cette quête spirituelle résiderait selon Richard l’acceptation « en nous du vœu d’illimité et de la nécessité de la limite ». « A partir de la transcendance d’un là-bas, de retrouver la présence comblante d’un ici, de diviniser en quelque sorte l’immanence ». La redescente des hauteurs n’est donc pas brutal mais se fait en douceur, dans une certaine intimité et est donc en quelque sorte, une continuité, une part même de l’envol qui en conserve certains aspects : « Le divin, s’il existe, se laissera surprendre à fleur de sol ».
Le rêve de Jaccottet est celui de la maison d’air c’est à dire un espace ou les murs/parois sont assez léger (soie, lumière diaphane) pour répondre à la fois au vœu d’illimité et à cette nécessité de limitation. Plus que la toile, c’est la pluie qui symbolise cette rêverie qui est pour le poète «* roseaux liquides », «* rideaux de verre » ou « *étrange abri de brume… d’ombres brillantes ». Celle-ci forme à la fois des murs protecteurs,légèrement diaphanes mais par son mouvement même, sa chute, invite en même temps à retomber doucement vers la terre et est donc, à ce titre, une sorte de « fragment de vérité future, d’incompréhensible éclat de l’au-delà ».
L’eau a donc pour Jaccottet un caractère mouvant. On remarque ainsi que celui-ci n’aime pas les lacs, qui stagnent, on tendance à s’obscurcir, mais « adore les rivières et plus encore les ruisseaux » mêlant ainsi « la fraîcheur à la brisure ». Cette brisure est paradoxalement un symbole d’unité : « l’eau demeure chaste parce que brisée, et rassemblée autours de nous parce que éclatée, rieuse ». Pour le poète, elle est comme le temps «* ce qui consume, mais aussi cette fraîcheur exquise qui nous enveloppe, ces ruptures de la lumière, ce ruissellement purifiant ».
L’arbre quant à lui a « une valeur rêveuse […] qui tient à son dynamisme ambigu », étant à la fois ancré dans le sol et s’élevant vers les cieux, en se nourrissant du premier cité tandis que l’herbe que Jaccottet célèbre souvent représente une certaine « perfection de la surface » bien qu’ambivalente. En effet elle annonce aussi notre propre mort. La végétation peut donc être perçue comme l’évocation de notre propre existence : nous sommes ces arbres qui cherchons à nous élever en nous nourrissant de la terre pendant que celle-ci, par sa simple présence physique, nous renvoie à notre finitude.
« Forêt ou herbe constituent donc tout à la fois pour Jaccottet la négation, le champs, le nid de la lumière » et comme il le dit lui même «* l’aube est dans l’herbe humide » alors qu’il prend «* le chemins sous les arbres au bout duquel une lampe éclaire ».
L’affrontement de deux principes opposés comme le clair et l’obscur, le dense et le volatil, est non pas comme chez Char, un jaillissement, une rencontre brute et violente, mais se fait avec plus de douceur : l’affrontement des deux entités ennemies ne prend place que « au niveau ou chacun d’eux s’est à demi métamorphosé en l’autre », « Jaccottet poursuit sa vérité dans un univers de frange ». L’idéal de Jaccottet se situe donc dans une sorte de réconciliation ou deux principes antinomiques qui, gardant leur plénitude, peuvent néanmoins exister au sein d’un seul et même objet qui ainsi serait illuminé de l’intérieur « * sa source était plus invisible qu’une vraie source sous les arbres, elle semblait émaner du dedans de la terre, du cœur de la roche ». Cette lumière « issue de l’immanent » et l’enveloppe qui l’entoure sont alors ici des représentations de la poésie
Cependant ce bonheur poétique dure peu, à peine avons nous trouvé cette clarté volatile qu’elle s’efface, s’évanouit, touchant ainsi à une limite angoissante : celle de la durée et que rien ne peut éluder. Que ce soit au niveau de la conscience de la mort ou de la dimension fini et irréversible de chaque instant, « un profond pessimisme du temps colore l’œuvre de Jaccottet » comme le montre l’image obsédante de l’hémorragie, vision d’un sang qui se répand comme un néant sur le sol. Une autre image marquante de l’angoisse est celle de la déchirure qui amène au rien et qui est pour le poète « *un rien hérissé, armé, épineux : des larmes affilées sur lesquelles on nous jette ».La mort est « la limite véritablement infranchissable »
S’opère alors un revirement quelque peu paradoxal : puisque la mort constitue notre limite extrême, assumons notre mortalité et tentons en interrogeant cette limite de trouver quelque chose qui puisse la dépasser. En se limitant dans notre durée, il y a peut être espoir d’y trouver une sorte d’éternité : « * cette fin […] était en même temps le moteur de notre course », « * il voyait dans la mort l’élément premier de la vie ». Ce pivotement ontologique, ce renversement constitue le véritable coeur de la poésie de Jaccottet, véritable parcours spirituel porté par son imagination.

Le mécanisme du temps broie notre identité première, chaque jour « le corps s’usent, les sentiments s’épuisent ». Mais à la manière de Baudelaire par exemple, ce dessaisissement est prétexte à une quête, à l’entretien de la flamme de l’être dans les éléments dénaturés comme le montrent ces magnifiques images « *coloration d’une richesse éteinte », « * vêtements de paysans usés, drapeaux délavés ». Cette esthétique du « fané » nous invite non pas à une nostalgie stérile vers un être perdu mais à trouver « derrière une façade de négativité, les indices d’une vérité très éclairante ».
L’absolu peut très bien tenir dans un seul instant, «* un seul baiser, une aile, une plume, un peu de paille ». Le bonheur que l’on touche lors de ces instants magiques efface la négativité inhérente à l’écoulement du temps afin de saisir la trace de l’être et les bienfaits qui le suivent.
Contrairement à un Bonnefoy qui n’hésite pas à réhabiliter en y trouvant du spirituel des matières comme la boue, Jaccottet se complait dans une esthétique du volatile, du gracieux et fuit tout ce qui rappellerait l’immobilité l’inertie de la mort. Le poète pense plutôt la mort mobile qui par son mouvement, annule quelque peu l’idée même de mourir, que ce mouvement soit horizontal (volubilité, cours de l’eau) ou verticale (évaporation). On voit alors que ce mouvement, si dans le une perspective temporelle signifie la fin, la mort, dans une perspective spatiale renoue avec cet idéal d’élévation vers la lumière. « Passer, n’est-ce point encore dépasser ? »
L’essence de l’instant « le vous à l’ouverture ». Il est intéressant de noter que pour Jaccottet l’instant n’est pas constitutif de notre existence par sa temporalité mais par son rôle dans « l’espace beaucoup plus complexe où s’établissent relations et significations humaines ». Cette idée est résumée parfaitement par l’extrait suivant : «*
Des lumières dans l’air et d’autres dans les glaces
des gens qui passent et d’autres immobiles
toutes ces voix parlant, projetant, trahissant
qui interrogent et qui parfois répondent…
Qu’éternellement se croisent ces voix mourantes
pour tisser un voile de vie »
Les poèmes de Jaccottet ont donc cette propriété de créer un lieu au dessus de la terre grâce à cette quête de lumière où « peut se tendre un triple réseau d’espace, de temps et de langage qui absout en lui le sentiment, peut-être même la réalité du rien »
Afin de comprendre comment ce réseau de sens a pu commencer à se tisser, il faut que le poète se place non plus dans l’instant mais à ses marges pour en observer la formation. Il en résulte alors une esthétique du « presque », aussi bien antérieur ou postérieur à l’instant, Jaccottet développant particulièrement les images d’échos, de retard ou au contraire d’imminence. La rêverie du poète permet alors de « s’arrêter un court instant entre deux grains de temps ».
Toute cette esthétique repose néanmoins sur l’état contradictoire des éléments qui sont à la fois genèse et négation. L’eau, si important pour le poète possède ainsi cette dualité étant à la foi l’écoulement-ruisseau plein de vie mais sachant également se faire néant lorsqu’elle prend l’aspect des larmes « qui creusent le visage, qui ravinent les paysages ».
Ainsi toute l’essence de la poésie de Jaccottet repose sur « une morale difficile qui prescrit l’abandon au temps et au négatif, la non-crispation spirituelle, la pratique d’une infidélité qui soit la vraie fidélité ». Toute la vie est donc à vouée à ne pas s’immobiliser, à être en quête d’un insaisissable qui oscille entre être et non-être. Cependant l’insaisissable, l’illimité, à partir du moment où on le nomme, est quelque part tué car désormais limité, Jaccottet se retrouve donc « écartelé entre la nécessité de l’ignorance et la nécessité de savoir cette nécessité, donc de ne plus être ignorant ».
Jaccottet, par son travail acharné sur le pourquoi de la compréhension, s’interdit lui même une totale appropriaion de celle-ci. Ainsi, développe-t-il le concept d’effacement, « une attention de la non- attention » : « l’effacement est une annulation de soi, elle réclame une destruction totale, véritable » alors qu’il est bien plus difficile de vivre le néant que d’en parler. Pour le poète «* L’effacement soit ma façon de resplendir ».
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